• 16 juin 2014 : Déjeuner en paix

    Lundi 16 juin 2014

    Aujourd’hui, j’ai été invité à déjeuner par un camarade qui a la chance d’avoir du travail. Le rituel est d’ailleurs toujours le même. Je sors mon porte-monnaie et n’osant pas me regarder, il sort un gros billet de son portefeuille et me dit : « laisse, je t’invite, tu as une famille à charge et moi j’ai un boulot». Les chômeurs sont tellement nombreux que désormais, ce sont les employés qui culpabilisent devant eux… De mon côté, j’essaie de lui rendre la pareille en lui faisant bénéficier de ma culture universitaire, lui qui a trouvé une place dès son bac en poche dans un pays où le chômage n’existe pas. Bien évidemment, après l’avoir chambré gentiment sur les résultats médiocres de son club de football favori et de son équipe nationale de cœur (et généralement, c’est l’inverse …), la conversation arrive sur ma persistance à pointer malgré-moi chez « fous rien ».

    « Depuis le début de l’année, tu as combien de plan-job qui ont foiré ? » Je fais un rapide calcul de tête et lui dit «je dirais une dizaine… » Rayonnant, il pense avoir trouvé la solution : en bon financier, il me dresse un plan, me fait apparaître veaux, vaches, cochons, couvées, voire châteaux en Espagne. Je n’allais pas interrompre un si magistral exposé en demandant le taux de change de la roupie de sansonnet… Triomphant, il me fit part de ses conclusions : avec ma capacité de travail, il suffit de faire des brochures didactiques pour l’éducation du peuple en me servant des éléments récoltés et de mon esprit de synthèse. Ensuite, je les vendrai et j’aurai un revenu conforme à mes qualifications sans attendre un employeur quelconque. Devant mon scepticisme, il insiste « Tu ne te souviens pas à ce dîner-débat culturel, où ce banquier t’a pris pour un courtier en matière premières après que tu lui ais fait part de ton analyse sur le marché mondial du cuivre ? ». Mon cher camarade a juste oublié un petit détail : je suis Français. Dans son pays de résidence, c’est surement facile de monter son entreprise et de s’enrichir. Il suffit d’ailleurs d’y constater la prospérité économique y régnant. Mais en France ? Surtout quand on n’a pas de « protections ethniques » pour contourner la loi ? Parce que l’infernale litanie du petit commerçant ou de l’artisan, à force de l’entendre chez mes camarades de pensée, je la connais par cœur : URSSAF, TVA, cotisations élevées donnant le droit à rien, pas le droit de tomber malade, pas le droit de prendre des vacances… Bref, une vie de mouton. Et comme disait Benito, mieux vaut vivre une journée en lion qu’une vie en mouton. Comme moi aussi je sais faire des calculs, des prospectives et des études de marchés, j’ai aligné les chiffres et j’en suis arrivé au résultat suivant : pour simplement vivoter, je devrais atteindre un chiffre de vente de 5000 brochures par an, le tout sans un marché culturel sinistré, auprès d’une clientèle désargentée qui a sacrifié le superflu depuis longtemps. Même en publiant 4 brochures par mois, il faudrait que j’en vende 105 de chaque par mois ! Et résonne à mes oreilles le générique d’une série télévisée où il est question d’une Mission impossible.

    On retrouve les données de l’équation de départ, brochures ou emploi, rien de change : les gens qui voudraient m’employer ne peuvent pas et les gens qui pourraient m’employer ne veulent pas. Ceci dit, l’idée n’est pas mauvaise. Je vais essayer de faire des petites brochures, les plus grandes faisant 40 pages. Ce ne sont pas les sujets qui manquent. J’ai actuellement de quoi faire au moins 400 brochures. Ce qui manque en fait, c’est le temps et l’argent. L’un ne va pas sans l’autre. D’aucun dirons qu’un chômeur a du temps. Rien n’est plus faux. Je n’ai jamais touché la moindre allocation chômage et je perçois royalement un demi-RSA.  Pour atteindre ce qu’il nous faut pour vivre, je cours le pays pour trouver ça et là des petits travaux d’appoint, ce qui permet de ne pas crever. Disons que chez nous, les fins de mois sont difficiles. Et les fins de mois commencent le 2. Mais comme dit l’autre, ça tanne le cuir et ça fortifie la conscience révolutionnaire. Entre la mise à niveau et le bénévolat, c’est simple, j’ai un planning de cadre. Vivement que j’ai un emploi, je travaillerai moins ! Quant à l’aspect financier de la chose, c’est encore plus simple. Sans tenir compte du fait que les brochures soient rentables ou non, pour démarrer l’activité, il me faudrait une somme avoisinant les 20.000 euros (tout compris, y compris 3 mois de fond de caisse). A l’heure actuelle, j’ai exactement en caisse 32 euros. Mais ne perdons pas espoir, la Grèce a bien gagné l’Euro 2004 alors que sur le papier, seule la Lettonie avait une équipe plus faible et le Danemark a gagné celui de 1992 sans avoir été qualifié ! 


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