• Moneyball

    Lundi 23 juin 2014

    L’important, quand on est au chômage, c’est de ne pas perdre l’espoir. Quand le moral tombe, phénomène d’attrition naturel, je me replonge dans une réalité rassurante et euphorisante. Par exemple, un film tiré de faits réels, appelé Moneyball (en VF Le Stratège), narrant la formidable saison 2002 de l’équipe de baseball des Athletics d’Oakland qui établit avec l’avant-dernier budget de la Ligue Majeure le record absolu de victoires d’affilées de l’histoire du baseball professionnel : 20 matchs gagnés de suite, du jamais vu depuis 1876 ! Ayant perdu ses trois joueurs vedettes, Oakland décide pour les remplacer de ne recruter que des joueurs sous-cotés. Des gars brillants, mais laissés sur le carreau par les autres écuries. Deux des joueurs me furent immédiatement sympathiques : le n°53, Chad Bradford, et le n°10, Scott Hatteberg, deux petits blancs dans un sport où ils sont minoritaires. Bradford était sous contrat avec les White Sox de Chicago, mais ces derniers ne lui faisaient pas confiance et cherchait à s’en débarrasser. Le motif ? Son lancer était totalement « non-conventionnel », en sous-marin. C’est-à-dire, au lieu de lancer en pivotant d’un quart de tour, en pliant un genou et d’un moulinet du bras lancer de toutes ses forces, il se penchait presque à ras du sol et lançait la balle de bas en haut. Ceci donnait certes des balles peu rapides, mais fit de lui un joueur qui dans sa carrière ne concéda que 25 home runs sur plus de mille joueurs qu’il eut face à lui. « Il vaut 3 millions de $ par an, on l’aura à 237.000 ! », déclara le conseiller du président d’Oakland.

    Mais ma scène préférée est le recrutement d’Hatteberg. En fin de contrat avec les Red Sox de Boston, plus personne ne veut de lui. Le motif ? Il a eu les ligaments du coude arrachés et ne peut plus ni attraper, ni lancer la balle,  ce qui le rend inapte à son poste de receveur. Se morfondant dans son fauteuil, seul, sa femme dans la cuisine lui jetant des regards inquiets, il attend en vain un coup de téléphone qui ne viendra jamais… Et pourtant, le téléphone sonne. Le président d’Oakland vient en personne lui proposer un  contrat. Hatteberg ne peut plus lancer ou recevoir ? Peu importe ! Il a une moyenne de plus de 3.64 au bâton, et qui, combinées à celles de Justice et Giambi Jr, amène la moyenne idoine pour avoir le plus de joueur en 1re base. Et, récompense suprême, c’est Hatteberg qui frappera le home run décisif qui permettra à Oakland de gagner sa 20e victoire de suite en battant les Royals de Kansas City 12 à 11.

    Voir et revoir cette scène me remonte le moral. Je me dis que quelque part, un jour, un DRH lira mon CV et ira voir son patron, quelqu’un sans idées préconçues mais financièrement limité, posera le CV sur la table et dira : « Un type comme lui, ça vaut dans les 200.000 euros par an. On l’aura pour 60.000 ! ». Si j’avais une chose qui ressemblait de près ou de loin à un budget, je créerais une association qui s’appellerait « As de carreau ». Son objectif serait de recenser tous les gens de notre mouvance, Bac + 3 et plus, qui ont été fracassés professionnellement ou qui n’ont jamais eu leur chance. Ce réseau permettrait de s’entraider, de se maintenir à niveau, voire de compléter sa formation par l’échange. Il y aurait une sorte d’album, un peu comme les fiches de Peter Brand dans Moneyball, où seraient présentés tous les membres, pour une sorte de mercato. Et qui sait ? Peut être que quelques employeurs, insensibles aux campagnes de dénigrement, plus audacieux, tenteraient de recruter dans ce vivier de gens différents, cette « couvée entière de vilains petits canards qu’on peut s’offrir » comme disait Peter Brand. Comme me disait une camarade de l’ANPE : « Des gens pas gourmands sur le plan salarial, durs à la tâche et motivés, ça peut intéresser des patrons ». D’aucun me diront : « Et si ça ne marche pas ? Et si les employeurs restent conformistes et frileux ? ». C’est effectivement un risque. Mais dans ce cas, il y a une autre alternative. Ces exclus ont de l’or dans les mains et formeront un fantastique vivier de cadres pour appuyer le peuple en révolte. Ils auront les connaissances nécessaires pour faire redémarrer le pays, voire le reconstruire. Une vraie révolution nationale, qu’elle soit par la raison ou par la force comme on le dit à Santiago, ne peut être accomplie si on persiste à récupérer les vieux rogatons du régime défunt. Ce qui était valable en 1940 l’est tout autant de nos jours. C’est dans tous les livres d’histoire. Puisqu’on parle d’histoire, faisons notre pédant et rappelons que les deux fois où elle parvint au fait de sa puissance, la marine française s’est sabordée. Bon, ceci est évidemment une digression. Ou pas. 


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