• Adieu

    Dimanche 20 juillet 2014

     

    La maison ressemble à ces navires de guerre désarmés, amarrés dans les quais les plus éloignés du port, attendant au mieux la vente, au pire le ferraillage. Hier, elle était encore pleine de rires et de jouets d’enfants. Aujourd’hui, les enfants ne rient plus, et ils ont du se débarrasser de bien des jouets. Maman a dit, pas plus d’un carton par enfant. Maman aussi a sacrifié bien des souvenirs d’une vie, Papa a fait de même. Il n’y a plus une photo de famille aux murs, plus un livre dans les pièces, plus un objet non indispensable : tout est dans des cartons en attendant un hypothétique départ. Nous sommes le 20 juillet. La famille attend l’inexorable, l’exil ou la mort.

    Le 30 juin, cette famille de 10 personnes apprenait qu’on leur coupait toutes leurs ressources, réservées probablement à des gens plus conformes à « la France de demain ». Même les allocations familiales leur ont été supprimées. Durant quelques jours, ils avaient espéré que cela se rétablirait. Mais le couperet est tombé. Ils n’auront plus rien pour vivre.

    C’est l’acte final d’un bras de fer mené depuis des années contre le système. Cette famille catholique, mais d’un catholicisme authentique et sans concession, a tenu bon jusque là. Mais même les plus héroïques doivent parfois baisser le pavillon, les combattants de Westerplatte, de Breslau, de Camerone ou de la Grotte de la Vierge l’ont fait. Pendant des années, le père a envoyé des CV, cherché un emploi, même sous-qualifié, pour le rendu suivant : aucune réponse 95 %, réponse négative 5 %, entretiens d’embauche obtenu 0. Maintenant, au moins, les choses sont simples, la famille n’a même plus d’argent pour acheter un billet de train. Le 10 août, leur connexion internet – dernier lien qui leur reste – sera coupée aussi, faute de paiement. L’électricité suivra.

    La famille joue sa dernière carte : ils mettent en vente leur maison, la maison où les enfants sont nés et ont grandis, la maison des souvenirs et du bonheur perdu. Avec l’argent, ils iront s’installer ailleurs, dans un pays étranger qui veut bien d’eux. Une nouvelle vie, s’ils survivent jusque là. Car bien sur, ils n’auront aucune prime de déménagement ou autre.

    La famille a contacté la CAF qui leur ont dit d’aller se faire voir et que s’ils crevaient de faim, et bien qu’ils se rendent à la permanence de l’assistance sociale. Par le biais d’amis, le père a envoyé plus de 200 mails expliquant la situation. Le rendu à été le suivant : 4 réponses avec un message de soutien, 1 réponse avec un « je vais voir ce que je peux faire ». Dans un pays silencieux devant les massacres des chrétiens d’Orient, une famille catholique peut crever de faim dans l’indifférence générale.

    La question se pose : mais qu’à donc fait la famille pour être aussi persécutée ? Il y a plusieurs raisons : leurs idées politiques, leurs convictions religieuses, l’ancienne profession du père qui avait mis son nez là où il ne fallait pas. Mais ils paient surtout une chose vieille de 5 ans. Ils avaient donné à la télévision une image des « intégristes catholiques » à cent lieues des clichés officiels, tellement favorable que des années après, des gens les reconnaissaient dans la rue et les félicitaient. La famille allait le payer très cher. Dès la diffusion de l’émission, des personnes demandèrent rien de moins qu’une « enquête de la DDASS » car les enfants aidaient à la maison et recevaient une éducation différente. Le père avait eu le malheur de se frotter déjà à des puissants qui en étaient arrivés à des demandes identiques. Cela se passait en 2006. En 2010, l’enquête eut lieu et les calomniateurs en furent pour leurs frais. La mère reçut alors une lettre anonyme mais émanant d’une « petite main » du Grand Orient de France, avec cette conclusion sans appel : « Quittez la France pendant qu’il en est encore temps ». La famille ne céda pas au chantage. Je passe sur les persécutions mesquines subies, cela n’offre que peu d’intérêt, pour en finir à ce dernier coup de Jarnac. Plus de ressources, donc, impossibilité de nourrir les enfants. Et victoire des persécuteurs sur tapis vert qui, arguant du fait qu’ils n’ont plus rien à manger, pourront placer à la DDASS les enfants, ce que la justice leur avait refusé.

    C’est donc en tant que père de cette famille que j’écris cette lettre d’adieu. Non pas que nous ayons l’intention d’abréger nos existences, loin s’en faut, mais plutôt adieu à la France qui nous a chassé, nous gens sans origines, pour faire place à d’autres. Même chose du côté des associations caritatives. Même chose du côté des partis politiques institutionnels, et je dis bien TOUS… Y compris ceux qui se targuent de fraternité française. Et peut être aussi une autre forme d’adieu, car si de l’argent ne rentre pas avant une semaine (et je préfère sous forme de salaire que sous forme de charité, ou mieux encore achat de notre maison), notre avenir est pour le moins compromis. J’envoie cette lettre à quelques journaux et sites, comme une bouteille à la mer.

    Comme disent les Espagnols, vaya con Dios.

     

    Xiep


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