• La crise économique majeure qui frappe actuellement le Venezuela, pourtant riche état pétrolier, nous permet de mettre en garde contre une attitude contraire à tout ce qui est européen : la satanisation de l’adversaire. Dans notre courent de pensée, Chavez a été jusqu’à sa mort fort populaire. Le soutien affiché du Venezuela à l’Iran, à la Russie, aux résistants du Nouvel Ordre Mondial, y est pour quelque chose. De plus, un colonel para ne peut pas être foncièrement mauvais…  Par exagération, d’aucun pensent que Caracas a raison toujours et en tout lieu, urbi et orbi. Le site Fortune Desouche, pendant économique de François Desouche, ne manque pas une occasion de chanter les louanges de ce néo-bolivarisme et du Caudillo des Caraïbes et de crier haro sur les Etats-Unis, coupables de tous les maux de la planète, se fondant sur des sources plurielles allant de l’extrême gauche à la gauche extrême… Comme dit le soldat belge de la chanson : « Halte là ! »

    Mettons les choses au clair : depuis l’élection du pantin Wilson en 1916, les Etats-Unis ont eu une attitude agressive à l’encontre de tout ce qui pouvait entraver leur puissance, le fait est entendu. Leurs provocations contre le Japon et l’Allemagne sous Roosevelt, le tout combiné à une grande tendresse pour l’URSS de Staline ont provoqué les drames que l’on sait. Il est donc tentant, à l’heure où les Américains imposent leur modèle dans le monde à coups de missiles de croisière, d’en faire des grands Satan, comme le disait en son temps l’Ayatollah Khomeiny, et de les accuser de tout et n’importe quoi, quitte à reprendre les clichés les plus éculés… de la propagande soviétique, ce qui fait désordre pour des patriotes !

    Le Venezuela va mal : les magasins sont vides, le peuple manque de tout sans parler de ce qui fait défaut. L’accusation est toute trouvée : il s’agit d’un grand complot américain bien sur, comme au Chili et à Cuba. Et voici, comment avec la meilleure volonté du monde, on infecte nos milieux avec le pus idéologique communiste. Le régime vénézuélien se veut socialiste, c’est son choix, et c’est celui de son peuple. Mais comme son grand frère chilien en 1973, cela ne peut finir que par un fiasco. Il faut tordre le cou à certains mensonges des années septante qui reviennent habillés de neuf. Non seulement les banques américaines n’ont pas « coulé » le Chili d’Allende, mais l’ont au contraire soutenu à bout de bras, lui accordant près d’un milliard de dollars de crédit et de dons. Sans parler du demi-milliard reçu de Moscou au même moment… C’est l’incompétence, la démagogie, la crasse nullité d’Allende et de ses sbires qui ont été les seuls responsables de la faillite de son pays. Et son antisémitisme a fait plus pour inciter Heinz « Harry » Kissinger à le faire tomber qu’un prétendu « communisme » qui n’a jamais dérangé ce juif allemand naturalisé américain… Même chose pour Cuba, qui pouvait commercer avec tous les autres pays du monde, car les Etats-Unis ont fait un EMBARGO, ce qui n’a rien à voir avec un BLOCUS où rien n’entre et rien ne sort (comme celui que firent les Alliés à l’encontre de l’Allemagne jusqu’en juillet 1919, qui fit 1 million de morts). Cuba qui vendait son sucre aux Soviétiques au double de son prix et achetait le pétrole à la moitié.

    Les Chicago Boys, malgré les dérives ultérieures, ont redressé l’économie chilienne et en ont fait le pays le plus riche par habitant d’Amérique Latine, alors que le Venezuela est tombé au niveau de la Bolivie. Le réseau Gladio, malgré les dérives encore plus graves, furent au début un réseau de résistance anticommuniste (comme la Mafia était au début un groupe de résistants contre les souverains étrangers de la maison d’Anjou) qui visaient à frapper un occupant soviétique. Les Etats-Unis, au Vietnam, se battaient contre un régime qui exterminait classes sociales entières (chrétiens, commerçants…). Oui, les Américains ont commis des crimes immondes : Hiroshima, Nagasaki, l’assassinat de 900.000 prisonniers de guerre allemands en 1945… Oui, les Etats-Unis sont une puissance prédatrice (mais y gagnera-t-on le jour où ils seront supplantés par la Chine ???). Mais, et il est de notre devoir d’Européens de s’en souvenir, les Américains sont des êtres humains, capables du bien et du mal. Et on ne peut nier le premier sous prétexte de condamner le second.  Les Américains ont, parfois, eu une attitude coïncidant avec nos intérêts et même avec la Justice, dire l’inverse serait mentir.

    Nous sommes les fils de la forêt et du Dieu de Justice, celui qui disait qu’il fallait pardonner. Nous ne sommes pas les fils du désert et du Dieu cruel, qui au nom de ses valeurs, déclare qu’un peuple est indigne de vivre, les Cananéens jadis, les Allemands hier. Ce n’est pas parce que les fils du désert qui ont pris le contrôle des Etats-Unis se sont inventés un imaginaire Satan avec Al-Qaida et justifient leurs abominations par la nécessité de la lutte contre lui, que nous devons faire la même chose.  Toutes nos valeurs, qu’elles soient de nos spiritualités ancestrales ou chrétiennes, nous apprennent qu’un homme est complexe et unique. Il n’y a pas blanc et noir mais une foultitude de nuances allant du gris fumée au gris anthracite.

    Ne réécrivons pas l’histoire à la manière de 1984 et regardons la vérité historique en face, en dressant un bilan objectif. La plus belle victoire contre nos ennemis, c’est de ne pas devenir comme eux.


    votre commentaire
  • Les images de l’ambassade des Etats-Unis à Benghazi saccagée, Christopher Stevens – l’ambassadeur - assassiné par une foule en liesse, ont un arrière-goût de déjà vu… Quelques mois plus tôt, c’est le colonel Kadhafi qui mourrait de la même façon avec ses fils par les assassins d’aujourd’hui qui étaient hier les collaborateurs de l’agresseur américain… Ironie du sort (ou justice divine ?), l’ambassadeur Stevens était le lien entre le gouvernement américain et ceux qui étaient à l’époque « les rebelles ». Notons que sous Kadhafi, aucun ambassadeur américain ne fut lynché…

     

    Le lynchage semble consubstantiel à la démocratie, qu’elle soit ploutocratique ou socialiste.  En 1962, on lynchait les colons d’Algérie, comme ils le furent à Madagascar en 1947 et comme le furent leurs homologues allemands par les Hereros en 1902. En 1945, le chef d’Etat italien Benito Mussolini fut ainsi massacré avec sa femme Clara par les communistes italiens. On sait maintenant que le meneur de la foule était un agent de l’Intelligence Service qui tenait à récupérer des papiers compromettant pour Churchill… En 1944, en France, de nombreuses scènes de lynchages de prétendus collabos, généralement dans les zones sous contrôle FTP. Loin d’être inquiétés, les meneurs firent parfois leur chemin dans les allées du pouvoir. Le premier massacre de la Seconde Guerre Mondiale fut d’ailleurs un lynchage commis par le « camp des bons » : celui de 56000 civils allemands le 3 septembre 1939 par les Polonais. En 1936, en Espagne, lynchages dans ce que l’histoire aux ordres appelle « le camp de la démocratie ». Même chose au Mexique en 1926, en Russie en 1917… dans la plus pure tradition de la Révolution Française, qui « ouvrait une ère de liberté », du pauvre gouverneur de la Bastille qui avait refusé de tirer sur la canaille à la malheureuse princesse de Lamballe, coupable d’avoir tenté d’avertir la reine du danger des loges. Révolution Française qui n’est que la suite de la Révolution américaine où, fuyant les lynchages, les partisans de la Couronne se réfugièrent au Canada (le mot lyncher vient d’ailleurs du colonel Charles Lynch, grand épurateur de Virginie…)

     

    Les régimes démocratiques aiment se ranger sous le symbole de l’étoile (rouge, jaune, blanche…), mais celle-ci éclaire surtout les lynchages. Ceux-ci ne sont pas gratuits. On présente souvent ces atrocités comme une sorte d’exutoire populaire. Il est vrai qu’il n’y a rien de plus « démocratique » qu’un lynchage : le peuple a le pouvoir, le pouvoir de juge et de bourreau. Mais en creusant un peu la question, on se retrouve dans la fable de La Fontaine Le chat et le singe. Pendant que le premier se brûle les pattes à tirer les marrons du feu, le second profite de la situation sans risque. On y retrouve aussi le poème anglais Le Morse et le charpentier : pendant que le second fait la cuisine, le premier a mangé toutes les huîtres. La masse moutonnière massacre, pille, viole, et derrière, d’autres lancent les mots d’ordres et encaissent les dividendes. La démocratie, c’est le théâtre de Guignol : il y a la marionnette de Pandore, la marionnette de Gnafron, la marionnette de Guignol. Pendant tout le spectacle, les enfants les voient se battre, mais dans les coulisses, c’est la même main qui tire les ficelles…

     

    Qui tire les ficelles derrière ce lynchage libyen ? A peu de choses près, ceux qui les tiraient lors de la « révolution arabe ». Circulent sur Internet des récits horrifiques à défaut d’être véridiques sur la mort de l’ambassadeur. Il s’agit simplement d’une reprises des récits – plus authentiques ceux-ci – de la mise à mort du Raïs déchu. Ces récits émanent des milieux racistes juifs, couplés avec ceux du lynchage d’un rabbin à Bombay, et visent à exciter l’opinion publique dans la haine du musulman. Reprise de la méthode appliquée jadis contre la « barbarie » supposé des catholiques, des tzaristes, des fascistes, des nazis, des régimes nationalistes par des gens qui – nous l’avons vu – ont systématiquement recours à cette forme de barbarie…  Notons également que la chaîne américaine Fox News – si prisé par certains dans nos milieux – est en pointe contre la démonisation du musulman… et du catholique (ce que certains oublient présentement), puisque la dernière porcherie cathophobe, Asylum, nous vient de cette chaîne « de droite » et « néo-con » (le néo est superfétatoire…). Le fait que notre famille de pensée ait été la seule à dénoncer la barbarie des fils d’Allah en Algérie (1962) ou au Liban (1975) nous rend d’autant plus à l’aise de dénoncer le piège à skuns quand il se présente…


    votre commentaire
  • Lundi 25 août 2014

    Pour tout dire, j’y croyais !!! Un entretien d’embauche décroché, suivi d’une semaine d’essai qui s’est très bien passée. Un travail qui me passionnait. La joie de se lever chaque matin pour aller travailler, être dans une entreprise, rentrer le soir chez soi… Bref, pendant une semaine, la vie d’une personne normale. Et aujourd’hui la douche froide : il n’y aura pas de deuxième semaine d’essai. Le grand patron, malgré toute ma bonne volonté et sans m’avoir rencontré, a décrété qu’il ne voulait pas de débutant à ce poste. Pour pouvoir effectuer cette semaine d’essai, ma famille n’a pas mangé pendant 4 jours. Cela n’a débouché sur rien, comme d’habitude. L’an dernier, même époque, une revue ayant pignon sur rue m’a fait écrire deux articles qui devaient déboucher sur une collaboration ultérieure. Les articles ont paru, je n’ai jamais été payé, et bien entendu, plus de nouvelles… Dimanche, nous avons été cambriolés, mais comme il n’y avait rien à prendre, ils sont partis bredouilles. Lundi, on a retrouvé la voiture familiale avec un pneu crevé. Quand on a la poisse, on boit le calice jusqu’à la lie. Le 30, cela fera deux mois que toutes nos ressources ont été coupées. Nous en sommes actuellement à plus de 3000 euros de dettes auprès de personnes nous ayant prêté de quoi subsister. L’horizon est sombre comme il ne l’a jamais été. Je sais que la roue finit toujours par tourner, mais là, j’avoue que dans ces ténèbres, je n’arrive pas à trouver la sortie. J’ai fait tout ce qui est humainement possible de faire. Je remets les clés de la boutique au Céleste Patron. Un proverbe chinois dit : « Quand on arrive à la dernière page, il faut refermer le livre ». En ce qui me concerne, c’est fait. Ce blog s’arrêtera donc là pour le moment. Merci à ceux – s’ils existent – qui ont pris le temps de le lire.  Chaque jour où on aura survécu est un jour de gagné, en attendant la redistribution des cartes, un 1793, un 1944 à rebours qui remettront dans un dantesque son et lumières les postes en jeu. « Il est urgent d’attendre » disait ce grand humaniste qu’était le Président Hoover, attendons donc. Et puisqu’il faut passer le temps d’attente, comme lorsqu’on téléphone à une administration, on a le droit à une bande sonore. Je vais mettre quelque chose qui bouge, en symbiose de l’attente : Waiting for the worms du film The Wall.


    votre commentaire
  • Dimanche 20 juillet 2014

     

    La maison ressemble à ces navires de guerre désarmés, amarrés dans les quais les plus éloignés du port, attendant au mieux la vente, au pire le ferraillage. Hier, elle était encore pleine de rires et de jouets d’enfants. Aujourd’hui, les enfants ne rient plus, et ils ont du se débarrasser de bien des jouets. Maman a dit, pas plus d’un carton par enfant. Maman aussi a sacrifié bien des souvenirs d’une vie, Papa a fait de même. Il n’y a plus une photo de famille aux murs, plus un livre dans les pièces, plus un objet non indispensable : tout est dans des cartons en attendant un hypothétique départ. Nous sommes le 20 juillet. La famille attend l’inexorable, l’exil ou la mort.

    Le 30 juin, cette famille de 10 personnes apprenait qu’on leur coupait toutes leurs ressources, réservées probablement à des gens plus conformes à « la France de demain ». Même les allocations familiales leur ont été supprimées. Durant quelques jours, ils avaient espéré que cela se rétablirait. Mais le couperet est tombé. Ils n’auront plus rien pour vivre.

    C’est l’acte final d’un bras de fer mené depuis des années contre le système. Cette famille catholique, mais d’un catholicisme authentique et sans concession, a tenu bon jusque là. Mais même les plus héroïques doivent parfois baisser le pavillon, les combattants de Westerplatte, de Breslau, de Camerone ou de la Grotte de la Vierge l’ont fait. Pendant des années, le père a envoyé des CV, cherché un emploi, même sous-qualifié, pour le rendu suivant : aucune réponse 95 %, réponse négative 5 %, entretiens d’embauche obtenu 0. Maintenant, au moins, les choses sont simples, la famille n’a même plus d’argent pour acheter un billet de train. Le 10 août, leur connexion internet – dernier lien qui leur reste – sera coupée aussi, faute de paiement. L’électricité suivra.

    La famille joue sa dernière carte : ils mettent en vente leur maison, la maison où les enfants sont nés et ont grandis, la maison des souvenirs et du bonheur perdu. Avec l’argent, ils iront s’installer ailleurs, dans un pays étranger qui veut bien d’eux. Une nouvelle vie, s’ils survivent jusque là. Car bien sur, ils n’auront aucune prime de déménagement ou autre.

    La famille a contacté la CAF qui leur ont dit d’aller se faire voir et que s’ils crevaient de faim, et bien qu’ils se rendent à la permanence de l’assistance sociale. Par le biais d’amis, le père a envoyé plus de 200 mails expliquant la situation. Le rendu à été le suivant : 4 réponses avec un message de soutien, 1 réponse avec un « je vais voir ce que je peux faire ». Dans un pays silencieux devant les massacres des chrétiens d’Orient, une famille catholique peut crever de faim dans l’indifférence générale.

    La question se pose : mais qu’à donc fait la famille pour être aussi persécutée ? Il y a plusieurs raisons : leurs idées politiques, leurs convictions religieuses, l’ancienne profession du père qui avait mis son nez là où il ne fallait pas. Mais ils paient surtout une chose vieille de 5 ans. Ils avaient donné à la télévision une image des « intégristes catholiques » à cent lieues des clichés officiels, tellement favorable que des années après, des gens les reconnaissaient dans la rue et les félicitaient. La famille allait le payer très cher. Dès la diffusion de l’émission, des personnes demandèrent rien de moins qu’une « enquête de la DDASS » car les enfants aidaient à la maison et recevaient une éducation différente. Le père avait eu le malheur de se frotter déjà à des puissants qui en étaient arrivés à des demandes identiques. Cela se passait en 2006. En 2010, l’enquête eut lieu et les calomniateurs en furent pour leurs frais. La mère reçut alors une lettre anonyme mais émanant d’une « petite main » du Grand Orient de France, avec cette conclusion sans appel : « Quittez la France pendant qu’il en est encore temps ». La famille ne céda pas au chantage. Je passe sur les persécutions mesquines subies, cela n’offre que peu d’intérêt, pour en finir à ce dernier coup de Jarnac. Plus de ressources, donc, impossibilité de nourrir les enfants. Et victoire des persécuteurs sur tapis vert qui, arguant du fait qu’ils n’ont plus rien à manger, pourront placer à la DDASS les enfants, ce que la justice leur avait refusé.

    C’est donc en tant que père de cette famille que j’écris cette lettre d’adieu. Non pas que nous ayons l’intention d’abréger nos existences, loin s’en faut, mais plutôt adieu à la France qui nous a chassé, nous gens sans origines, pour faire place à d’autres. Même chose du côté des associations caritatives. Même chose du côté des partis politiques institutionnels, et je dis bien TOUS… Y compris ceux qui se targuent de fraternité française. Et peut être aussi une autre forme d’adieu, car si de l’argent ne rentre pas avant une semaine (et je préfère sous forme de salaire que sous forme de charité, ou mieux encore achat de notre maison), notre avenir est pour le moins compromis. J’envoie cette lettre à quelques journaux et sites, comme une bouteille à la mer.

    Comme disent les Espagnols, vaya con Dios.

     

    Xiep


    votre commentaire
  • Lundi 23 juin 2014

    L’important, quand on est au chômage, c’est de ne pas perdre l’espoir. Quand le moral tombe, phénomène d’attrition naturel, je me replonge dans une réalité rassurante et euphorisante. Par exemple, un film tiré de faits réels, appelé Moneyball (en VF Le Stratège), narrant la formidable saison 2002 de l’équipe de baseball des Athletics d’Oakland qui établit avec l’avant-dernier budget de la Ligue Majeure le record absolu de victoires d’affilées de l’histoire du baseball professionnel : 20 matchs gagnés de suite, du jamais vu depuis 1876 ! Ayant perdu ses trois joueurs vedettes, Oakland décide pour les remplacer de ne recruter que des joueurs sous-cotés. Des gars brillants, mais laissés sur le carreau par les autres écuries. Deux des joueurs me furent immédiatement sympathiques : le n°53, Chad Bradford, et le n°10, Scott Hatteberg, deux petits blancs dans un sport où ils sont minoritaires. Bradford était sous contrat avec les White Sox de Chicago, mais ces derniers ne lui faisaient pas confiance et cherchait à s’en débarrasser. Le motif ? Son lancer était totalement « non-conventionnel », en sous-marin. C’est-à-dire, au lieu de lancer en pivotant d’un quart de tour, en pliant un genou et d’un moulinet du bras lancer de toutes ses forces, il se penchait presque à ras du sol et lançait la balle de bas en haut. Ceci donnait certes des balles peu rapides, mais fit de lui un joueur qui dans sa carrière ne concéda que 25 home runs sur plus de mille joueurs qu’il eut face à lui. « Il vaut 3 millions de $ par an, on l’aura à 237.000 ! », déclara le conseiller du président d’Oakland.

    Mais ma scène préférée est le recrutement d’Hatteberg. En fin de contrat avec les Red Sox de Boston, plus personne ne veut de lui. Le motif ? Il a eu les ligaments du coude arrachés et ne peut plus ni attraper, ni lancer la balle,  ce qui le rend inapte à son poste de receveur. Se morfondant dans son fauteuil, seul, sa femme dans la cuisine lui jetant des regards inquiets, il attend en vain un coup de téléphone qui ne viendra jamais… Et pourtant, le téléphone sonne. Le président d’Oakland vient en personne lui proposer un  contrat. Hatteberg ne peut plus lancer ou recevoir ? Peu importe ! Il a une moyenne de plus de 3.64 au bâton, et qui, combinées à celles de Justice et Giambi Jr, amène la moyenne idoine pour avoir le plus de joueur en 1re base. Et, récompense suprême, c’est Hatteberg qui frappera le home run décisif qui permettra à Oakland de gagner sa 20e victoire de suite en battant les Royals de Kansas City 12 à 11.

    Voir et revoir cette scène me remonte le moral. Je me dis que quelque part, un jour, un DRH lira mon CV et ira voir son patron, quelqu’un sans idées préconçues mais financièrement limité, posera le CV sur la table et dira : « Un type comme lui, ça vaut dans les 200.000 euros par an. On l’aura pour 60.000 ! ». Si j’avais une chose qui ressemblait de près ou de loin à un budget, je créerais une association qui s’appellerait « As de carreau ». Son objectif serait de recenser tous les gens de notre mouvance, Bac + 3 et plus, qui ont été fracassés professionnellement ou qui n’ont jamais eu leur chance. Ce réseau permettrait de s’entraider, de se maintenir à niveau, voire de compléter sa formation par l’échange. Il y aurait une sorte d’album, un peu comme les fiches de Peter Brand dans Moneyball, où seraient présentés tous les membres, pour une sorte de mercato. Et qui sait ? Peut être que quelques employeurs, insensibles aux campagnes de dénigrement, plus audacieux, tenteraient de recruter dans ce vivier de gens différents, cette « couvée entière de vilains petits canards qu’on peut s’offrir » comme disait Peter Brand. Comme me disait une camarade de l’ANPE : « Des gens pas gourmands sur le plan salarial, durs à la tâche et motivés, ça peut intéresser des patrons ». D’aucun me diront : « Et si ça ne marche pas ? Et si les employeurs restent conformistes et frileux ? ». C’est effectivement un risque. Mais dans ce cas, il y a une autre alternative. Ces exclus ont de l’or dans les mains et formeront un fantastique vivier de cadres pour appuyer le peuple en révolte. Ils auront les connaissances nécessaires pour faire redémarrer le pays, voire le reconstruire. Une vraie révolution nationale, qu’elle soit par la raison ou par la force comme on le dit à Santiago, ne peut être accomplie si on persiste à récupérer les vieux rogatons du régime défunt. Ce qui était valable en 1940 l’est tout autant de nos jours. C’est dans tous les livres d’histoire. Puisqu’on parle d’histoire, faisons notre pédant et rappelons que les deux fois où elle parvint au fait de sa puissance, la marine française s’est sabordée. Bon, ceci est évidemment une digression. Ou pas. 


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique