• Dimanche 20 juillet 2014

     

    La maison ressemble à ces navires de guerre désarmés, amarrés dans les quais les plus éloignés du port, attendant au mieux la vente, au pire le ferraillage. Hier, elle était encore pleine de rires et de jouets d’enfants. Aujourd’hui, les enfants ne rient plus, et ils ont du se débarrasser de bien des jouets. Maman a dit, pas plus d’un carton par enfant. Maman aussi a sacrifié bien des souvenirs d’une vie, Papa a fait de même. Il n’y a plus une photo de famille aux murs, plus un livre dans les pièces, plus un objet non indispensable : tout est dans des cartons en attendant un hypothétique départ. Nous sommes le 20 juillet. La famille attend l’inexorable, l’exil ou la mort.

    Le 30 juin, cette famille de 10 personnes apprenait qu’on leur coupait toutes leurs ressources, réservées probablement à des gens plus conformes à « la France de demain ». Même les allocations familiales leur ont été supprimées. Durant quelques jours, ils avaient espéré que cela se rétablirait. Mais le couperet est tombé. Ils n’auront plus rien pour vivre.

    C’est l’acte final d’un bras de fer mené depuis des années contre le système. Cette famille catholique, mais d’un catholicisme authentique et sans concession, a tenu bon jusque là. Mais même les plus héroïques doivent parfois baisser le pavillon, les combattants de Westerplatte, de Breslau, de Camerone ou de la Grotte de la Vierge l’ont fait. Pendant des années, le père a envoyé des CV, cherché un emploi, même sous-qualifié, pour le rendu suivant : aucune réponse 95 %, réponse négative 5 %, entretiens d’embauche obtenu 0. Maintenant, au moins, les choses sont simples, la famille n’a même plus d’argent pour acheter un billet de train. Le 10 août, leur connexion internet – dernier lien qui leur reste – sera coupée aussi, faute de paiement. L’électricité suivra.

    La famille joue sa dernière carte : ils mettent en vente leur maison, la maison où les enfants sont nés et ont grandis, la maison des souvenirs et du bonheur perdu. Avec l’argent, ils iront s’installer ailleurs, dans un pays étranger qui veut bien d’eux. Une nouvelle vie, s’ils survivent jusque là. Car bien sur, ils n’auront aucune prime de déménagement ou autre.

    La famille a contacté la CAF qui leur ont dit d’aller se faire voir et que s’ils crevaient de faim, et bien qu’ils se rendent à la permanence de l’assistance sociale. Par le biais d’amis, le père a envoyé plus de 200 mails expliquant la situation. Le rendu à été le suivant : 4 réponses avec un message de soutien, 1 réponse avec un « je vais voir ce que je peux faire ». Dans un pays silencieux devant les massacres des chrétiens d’Orient, une famille catholique peut crever de faim dans l’indifférence générale.

    La question se pose : mais qu’à donc fait la famille pour être aussi persécutée ? Il y a plusieurs raisons : leurs idées politiques, leurs convictions religieuses, l’ancienne profession du père qui avait mis son nez là où il ne fallait pas. Mais ils paient surtout une chose vieille de 5 ans. Ils avaient donné à la télévision une image des « intégristes catholiques » à cent lieues des clichés officiels, tellement favorable que des années après, des gens les reconnaissaient dans la rue et les félicitaient. La famille allait le payer très cher. Dès la diffusion de l’émission, des personnes demandèrent rien de moins qu’une « enquête de la DDASS » car les enfants aidaient à la maison et recevaient une éducation différente. Le père avait eu le malheur de se frotter déjà à des puissants qui en étaient arrivés à des demandes identiques. Cela se passait en 2006. En 2010, l’enquête eut lieu et les calomniateurs en furent pour leurs frais. La mère reçut alors une lettre anonyme mais émanant d’une « petite main » du Grand Orient de France, avec cette conclusion sans appel : « Quittez la France pendant qu’il en est encore temps ». La famille ne céda pas au chantage. Je passe sur les persécutions mesquines subies, cela n’offre que peu d’intérêt, pour en finir à ce dernier coup de Jarnac. Plus de ressources, donc, impossibilité de nourrir les enfants. Et victoire des persécuteurs sur tapis vert qui, arguant du fait qu’ils n’ont plus rien à manger, pourront placer à la DDASS les enfants, ce que la justice leur avait refusé.

    C’est donc en tant que père de cette famille que j’écris cette lettre d’adieu. Non pas que nous ayons l’intention d’abréger nos existences, loin s’en faut, mais plutôt adieu à la France qui nous a chassé, nous gens sans origines, pour faire place à d’autres. Même chose du côté des associations caritatives. Même chose du côté des partis politiques institutionnels, et je dis bien TOUS… Y compris ceux qui se targuent de fraternité française. Et peut être aussi une autre forme d’adieu, car si de l’argent ne rentre pas avant une semaine (et je préfère sous forme de salaire que sous forme de charité, ou mieux encore achat de notre maison), notre avenir est pour le moins compromis. J’envoie cette lettre à quelques journaux et sites, comme une bouteille à la mer.

    Comme disent les Espagnols, vaya con Dios.

     

    Xiep


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  • Lundi 23 juin 2014

    L’important, quand on est au chômage, c’est de ne pas perdre l’espoir. Quand le moral tombe, phénomène d’attrition naturel, je me replonge dans une réalité rassurante et euphorisante. Par exemple, un film tiré de faits réels, appelé Moneyball (en VF Le Stratège), narrant la formidable saison 2002 de l’équipe de baseball des Athletics d’Oakland qui établit avec l’avant-dernier budget de la Ligue Majeure le record absolu de victoires d’affilées de l’histoire du baseball professionnel : 20 matchs gagnés de suite, du jamais vu depuis 1876 ! Ayant perdu ses trois joueurs vedettes, Oakland décide pour les remplacer de ne recruter que des joueurs sous-cotés. Des gars brillants, mais laissés sur le carreau par les autres écuries. Deux des joueurs me furent immédiatement sympathiques : le n°53, Chad Bradford, et le n°10, Scott Hatteberg, deux petits blancs dans un sport où ils sont minoritaires. Bradford était sous contrat avec les White Sox de Chicago, mais ces derniers ne lui faisaient pas confiance et cherchait à s’en débarrasser. Le motif ? Son lancer était totalement « non-conventionnel », en sous-marin. C’est-à-dire, au lieu de lancer en pivotant d’un quart de tour, en pliant un genou et d’un moulinet du bras lancer de toutes ses forces, il se penchait presque à ras du sol et lançait la balle de bas en haut. Ceci donnait certes des balles peu rapides, mais fit de lui un joueur qui dans sa carrière ne concéda que 25 home runs sur plus de mille joueurs qu’il eut face à lui. « Il vaut 3 millions de $ par an, on l’aura à 237.000 ! », déclara le conseiller du président d’Oakland.

    Mais ma scène préférée est le recrutement d’Hatteberg. En fin de contrat avec les Red Sox de Boston, plus personne ne veut de lui. Le motif ? Il a eu les ligaments du coude arrachés et ne peut plus ni attraper, ni lancer la balle,  ce qui le rend inapte à son poste de receveur. Se morfondant dans son fauteuil, seul, sa femme dans la cuisine lui jetant des regards inquiets, il attend en vain un coup de téléphone qui ne viendra jamais… Et pourtant, le téléphone sonne. Le président d’Oakland vient en personne lui proposer un  contrat. Hatteberg ne peut plus lancer ou recevoir ? Peu importe ! Il a une moyenne de plus de 3.64 au bâton, et qui, combinées à celles de Justice et Giambi Jr, amène la moyenne idoine pour avoir le plus de joueur en 1re base. Et, récompense suprême, c’est Hatteberg qui frappera le home run décisif qui permettra à Oakland de gagner sa 20e victoire de suite en battant les Royals de Kansas City 12 à 11.

    Voir et revoir cette scène me remonte le moral. Je me dis que quelque part, un jour, un DRH lira mon CV et ira voir son patron, quelqu’un sans idées préconçues mais financièrement limité, posera le CV sur la table et dira : « Un type comme lui, ça vaut dans les 200.000 euros par an. On l’aura pour 60.000 ! ». Si j’avais une chose qui ressemblait de près ou de loin à un budget, je créerais une association qui s’appellerait « As de carreau ». Son objectif serait de recenser tous les gens de notre mouvance, Bac + 3 et plus, qui ont été fracassés professionnellement ou qui n’ont jamais eu leur chance. Ce réseau permettrait de s’entraider, de se maintenir à niveau, voire de compléter sa formation par l’échange. Il y aurait une sorte d’album, un peu comme les fiches de Peter Brand dans Moneyball, où seraient présentés tous les membres, pour une sorte de mercato. Et qui sait ? Peut être que quelques employeurs, insensibles aux campagnes de dénigrement, plus audacieux, tenteraient de recruter dans ce vivier de gens différents, cette « couvée entière de vilains petits canards qu’on peut s’offrir » comme disait Peter Brand. Comme me disait une camarade de l’ANPE : « Des gens pas gourmands sur le plan salarial, durs à la tâche et motivés, ça peut intéresser des patrons ». D’aucun me diront : « Et si ça ne marche pas ? Et si les employeurs restent conformistes et frileux ? ». C’est effectivement un risque. Mais dans ce cas, il y a une autre alternative. Ces exclus ont de l’or dans les mains et formeront un fantastique vivier de cadres pour appuyer le peuple en révolte. Ils auront les connaissances nécessaires pour faire redémarrer le pays, voire le reconstruire. Une vraie révolution nationale, qu’elle soit par la raison ou par la force comme on le dit à Santiago, ne peut être accomplie si on persiste à récupérer les vieux rogatons du régime défunt. Ce qui était valable en 1940 l’est tout autant de nos jours. C’est dans tous les livres d’histoire. Puisqu’on parle d’histoire, faisons notre pédant et rappelons que les deux fois où elle parvint au fait de sa puissance, la marine française s’est sabordée. Bon, ceci est évidemment une digression. Ou pas. 


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  • Mardi 17 juin 2014

    Hypocrisie toujours. Le site Etat d’âme du journal Ouest France consacre un article à une association dénommée ACAT, se revendiquant du christianisme et prétendant lutter contre la torture. Comme pour la lutte contre la peine de mort, la cause est en soi noble. L’Eglise catholique d’ailleurs a été la première institution à l’interdire dans les interrogatoires, dans la ville de Florence, par le biais de l’un des ecclésiastiques les plus diffamés de l’histoire, le moine Jérôme Savonarole. Tout Etat civilisé, quand il est face à des adversaires civilisés, doit bannir toute forme de torture, directe ou indirecte. Il y a un seul cas, unique, exception confirmant la règle, où la torture peut s’expliquer : faire cracher à un terroriste l’emplacement de la bombe, et ce au nom du « moindre mal » et de « l’intérêt commun ».  Mieux vaut un terroriste mort que 20 innocents déchiquetés. Mais l’exception n’est pas la règle. Torturer pour briser un ennemi, pour lui faire perdre toute dignité, pour extorquer des aveux non-vitaux voire signer des confessions imaginaires, devrait être passible d’excommunication pour les quelques présumés chrétiens qui s’y livreraient. C’est le rôle du Pape de la condamner, c’est le rôle des chrétiens de s’y opposer. Mais, et il y a un mais de taille, l’ACAT agit exactement comme Amnesty International : les « impurs » n’ont pas le droit aux douces sollicitudes des tenants de l’évangile selon Saint Marx. Un jour, on me demanda quel client j’aurais aimé défendre si j’avais été avocat. Ma réponse fut immédiate : Adolf Hitler. Tout le monde a le droit à un avocat, dont le but est de vérifier si, premièrement, le droit est bien respecté et deuxièmement, si ceux qui jugent ont la légitimité pour le faire. Rien n’est plus ignoble, n’est plus antichrétien que ces parodies de justice qui se pare de « légalité » mais où les droits de la défense sont bafoués, les grands procès de Nuremberg ou de La Haye n’étant pas les moindres exemples…

    Je parcours les « bonnes causes » de l’ACAT sur son site. Toutes sont évidemment dignes d’intérêts, mais il manque justement les causes dérangeantes, les causes dangereuses, les causes qui montrerait que le prêcheur applique bien son sermon. Là, on défend des prisonniers politiques dans un pays africain. Rien à dire. Ici, on défend des trafiquants de drogue torturés en Amérique centrale. Effectivement, les geôliers ont souvent tendance à oublier que la loi s’applique aussi à eux. On défend des journalistes de gauche, des syndicalistes en ficelle du même métal, des quidams divers et variés. Il y a deux mois, j’ai fait parvenir à l’ACAT des détenus victimes de torture qu’ils pourraient défendre. J’attends toujours la réponse. Nous vivons en fait dans un monde orwellien, un anneau de Moebius où le recto devient verso et inversement en fonction de l’intérêt. L’hypocrisie progressouillarde bien-pensante par excellence. Alors je signale à l’ACAT que l’on torture dans les prisons d’Afrique du Sud. Le jour où l’ACAT fera une campagne active (et non deux mots jetés avec dédain histoire de solder le dossier) pour que cesse les viols racistes dans les geôles mandeliennes, je pense notamment à Cornelia de Wet, violée collectivement par ses geôliers, je commencerais à lui accorder une quelconque crédibilité. Ceci n’interdisant pas, bien au contraire, de condamner dans la foulée le meurtre raciste de 70.000 blancs depuis l’avènement du régime mandeliste, et ce dans l’indifférence générale des puissants en général et de l’ACAT et autre Amnesty International en particulier… Le même genre de tortures racistes existe aux Etats-Unis. Un jeune homme a été condamné à perpétuité au Texas. Il vit enfermé dans une geôle de 2 m², 23 heures sur 24. Dans le genre traitement inhumain, on peut difficilement faire pire dans une « démocratie ». Son crime ? Il a participé à une vengeance stupide et létale. Avec un complice, il voulut venger un troisième larron qui avait subi des mois de tortures racistes en prison. Tortures faite en toute connaissance de l’administration pénitentiaire. Ils ont massacré en représailles le premier Noir qui leur est tombé sous la main. Ils y ont gagné la mort pour deux d’entre eux et la perpétuité pour le dernier. Cela n’aura pas enlevé à John King ses séquelles (du notamment au fait que ses nombreux violeurs ont utilisé un rasoir pour faciliter leur besogne), cela ne l’aura pas guéri du SIDA, je doute même que cela lui ais redonné ne serait-ce qu’une parcelle de dignité. Notons, pour être exhaustif, que dans la même ville, trois noirs ayant commis le même crime raciste, dans les mêmes conditions, avec la même barbarie mais sans l’excuse de la vengeance, ont été condamnés à des peines autrement plus clémentes. Tant que l’ACAT ne nous prouvera pas qu’elle défend TOUTES les personnes victimes de tortures, nous émettrons des doutes légitimes sur sa crédibilité. Crédibilité dont, par contre, Amnesty International est totalement dépourvue, et ce depuis longtemps. Sans remonter jusqu’à ses soutiens aux terroristes communistes partout dans le monde, à commencer par le camarade Mandela, ni même jusqu’à son sinistre rapport de 1976, limitant à 7 morts (des « super-traîtres) les crimes de Pol Pot, on peut noter le refus d’Amnesty International de soutenir des prisonniers d’opinion tant en France qu’en Allemagne – tous de droite comme par hasard. Ainsi, preuve que malgré la chute du bloc de l’Est Amnesty International reste une officine nauséabonde à la solde du négationnisme rouge, le refus de soutenir des gens qui n’ont fait qu’écrire tels l’historien dissident Vincent Reynouard ou l’avocat dissident allemand Horst Mahler, au motif que leurs écrits « inciteraient à la haine par négation ». Soit. Mais la même organisation soutient les sinistres Pussy Riot qui ont profanés un des lieux symboliques de la mémoire des victimes du stalinisme. Je suis prêt à parier des dollars contre des pesos que si un Etat, disons la Pologne, arrêtait un groupe Oï appelé Dick Mob (Mob et riot signifiant à peu de choses près émeutes ; Dick et Pussy étant les termes vulgaires désignant respectivement les organes génitaux masculin et féminin) qui auraient chanté « Freedom for Gaza, Fuck Israël » à l’intérieur d’une synagogue qui se situerait dans les limites de l’ancien ghetto de Varsovie, je doute fort d’un quelconque soutien des bien-pensants de l’intégrisme conciliaire.

    Chrétiens exclus, nous sommes aux côtés de tous les exclus passés et présents, dont les souffrances ont été occultés, minimisées ou  niées. Le tout placé sous la protection de notre saint patron, Simon le Cyrénéen. Impliqué malgré lui dans une histoire qui ne le concernait pas, il accepta de porter avec le Christ sa lourde croix.  A ceux à qui les « bonnes consciences » crachent à la figure, à  ceux torturés dans les geôles des vainqueurs, à ceux que l’on assassine une seconde fois en tuant la mémoire à ceux qui gisent dans des fosses sans croix, à ceux-là je dis : « Mon ami, laisse-moi t’aider à porter ta croix ». Nous en reparlerons le 5 octobre, jour symbolique où nous honorerons la mémoire des enfants de Lamsdorf, martyrisés par racisme et en haine de la foi. 


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  • Lundi 16 juin 2014

    Aujourd’hui, j’ai été invité à déjeuner par un camarade qui a la chance d’avoir du travail. Le rituel est d’ailleurs toujours le même. Je sors mon porte-monnaie et n’osant pas me regarder, il sort un gros billet de son portefeuille et me dit : « laisse, je t’invite, tu as une famille à charge et moi j’ai un boulot». Les chômeurs sont tellement nombreux que désormais, ce sont les employés qui culpabilisent devant eux… De mon côté, j’essaie de lui rendre la pareille en lui faisant bénéficier de ma culture universitaire, lui qui a trouvé une place dès son bac en poche dans un pays où le chômage n’existe pas. Bien évidemment, après l’avoir chambré gentiment sur les résultats médiocres de son club de football favori et de son équipe nationale de cœur (et généralement, c’est l’inverse …), la conversation arrive sur ma persistance à pointer malgré-moi chez « fous rien ».

    « Depuis le début de l’année, tu as combien de plan-job qui ont foiré ? » Je fais un rapide calcul de tête et lui dit «je dirais une dizaine… » Rayonnant, il pense avoir trouvé la solution : en bon financier, il me dresse un plan, me fait apparaître veaux, vaches, cochons, couvées, voire châteaux en Espagne. Je n’allais pas interrompre un si magistral exposé en demandant le taux de change de la roupie de sansonnet… Triomphant, il me fit part de ses conclusions : avec ma capacité de travail, il suffit de faire des brochures didactiques pour l’éducation du peuple en me servant des éléments récoltés et de mon esprit de synthèse. Ensuite, je les vendrai et j’aurai un revenu conforme à mes qualifications sans attendre un employeur quelconque. Devant mon scepticisme, il insiste « Tu ne te souviens pas à ce dîner-débat culturel, où ce banquier t’a pris pour un courtier en matière premières après que tu lui ais fait part de ton analyse sur le marché mondial du cuivre ? ». Mon cher camarade a juste oublié un petit détail : je suis Français. Dans son pays de résidence, c’est surement facile de monter son entreprise et de s’enrichir. Il suffit d’ailleurs d’y constater la prospérité économique y régnant. Mais en France ? Surtout quand on n’a pas de « protections ethniques » pour contourner la loi ? Parce que l’infernale litanie du petit commerçant ou de l’artisan, à force de l’entendre chez mes camarades de pensée, je la connais par cœur : URSSAF, TVA, cotisations élevées donnant le droit à rien, pas le droit de tomber malade, pas le droit de prendre des vacances… Bref, une vie de mouton. Et comme disait Benito, mieux vaut vivre une journée en lion qu’une vie en mouton. Comme moi aussi je sais faire des calculs, des prospectives et des études de marchés, j’ai aligné les chiffres et j’en suis arrivé au résultat suivant : pour simplement vivoter, je devrais atteindre un chiffre de vente de 5000 brochures par an, le tout sans un marché culturel sinistré, auprès d’une clientèle désargentée qui a sacrifié le superflu depuis longtemps. Même en publiant 4 brochures par mois, il faudrait que j’en vende 105 de chaque par mois ! Et résonne à mes oreilles le générique d’une série télévisée où il est question d’une Mission impossible.

    On retrouve les données de l’équation de départ, brochures ou emploi, rien de change : les gens qui voudraient m’employer ne peuvent pas et les gens qui pourraient m’employer ne veulent pas. Ceci dit, l’idée n’est pas mauvaise. Je vais essayer de faire des petites brochures, les plus grandes faisant 40 pages. Ce ne sont pas les sujets qui manquent. J’ai actuellement de quoi faire au moins 400 brochures. Ce qui manque en fait, c’est le temps et l’argent. L’un ne va pas sans l’autre. D’aucun diront qu’un chômeur a du temps. Rien n’est plus faux. Je n’ai jamais touché la moindre allocation chômage et je perçois royalement un demi-RSA.  Pour atteindre ce qu’il nous faut pour vivre, je cours le pays pour trouver ça et là des petits travaux d’appoint, ce qui permet de ne pas crever. Disons que chez nous, les fins de mois sont difficiles. Et les fins de mois commencent le 2. Mais comme dit l’autre, ça tanne le cuir et ça fortifie la conscience révolutionnaire. Entre la mise à niveau et le bénévolat, c’est simple, j’ai un planning de cadre. Vivement que j’ai un emploi, je travaillerai moins ! Quant à l’aspect financier de la chose, c’est encore plus simple. Sans tenir compte du fait que les brochures soient rentables ou non, pour démarrer l’activité, il me faudrait une somme avoisinant les 20.000 euros (tout compris, y compris 3 mois de fond de caisse). A l’heure actuelle, j’ai exactement en caisse 32 euros. Mais ne perdons pas espoir, la Grèce a bien gagné l’Euro 2004 alors que sur le papier, seule la Lettonie avait une équipe plus faible et le Danemark a gagné celui de 1992 sans avoir été qualifié ! 


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  • Dimanche 1er juin 2014

    Hier soir, soirée culturelle grâce à un spectacle gratuit, les seuls que l’on peut se permettre. Pas totalement gratuit d’ailleurs, il fallait payer l’essence pour les 40 kilomètres aller-retour. Il s’agissait d’une interprétation en roue libre du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare. On peut se dire que ce spectacle a été possible grâce aux subventions. Ceci dit, pour une fois, et en comparaison avec ce qui est financé d’ordinaire, l’argent n’a pas été dilapidé. 250 figurants, ce n’était pas rien. Notons la fusion intéressante qu’il y avait entre différentes organisations artistiques de la communauté urbaine ; à savoir un orchestre, une fanfare municipale, une fanfare d’un club sportif, une école du cirque, une école de claquettes, une troupe de théâtre. Chacun avait son ou ses moments d’expression, sans que cela empiète sur les autres. Tout le monde avait le droit à la parole, chacun son tour, sans que cela ne se termine en galimatias incompréhensible, en bouillie qui, en voulant tout être, n’aurait rien été.

    J’ai été très impressionné par l’école du cirque. Je ne suis plus allé au cirque depuis des décennies, vouant une sainte horreur aux clowns. Dans cette adaptation moderne se déroulant la nuit dans un chantier, les apprentis acrobates jouaient lutins et farfadets, avec un certain talent. Mention spéciale à une toute jeune fille en justaucorps bleu, qui était entortillée dans une espèce de chrysalide de tissu de même couleur. Son enveloppe se déroulait pendant qu’elle tombait en tournoyant sur elle-même, et la fin du tissu l’amenait suspendue dans le vide la tête en bas. D’un mouvement gracieux, elle se replaçait à l’horizontale, puis descendait. Je me suis posé la question les trois fois où elle fit le numéro : ce « petit papillon » avait-elle déjà manqué son coup à l’entraînement ? Car les choses étaient claires : nous avions affaire à des amateurs, dans le sens, des gens qui n’en n’ont pas fait leur métier et qui s’entraînent quand ils le peuvent. Ceux dont l’art n’est pas un full time job.  La meilleure forme d’art, après tout, la plus naturelle, la plus spontanée.

    L’orchestre était bon, avec une bande son oscillant entre le mambo, le calypso et le jazz (mais sans le piano et sans le vibraphone),  la fanfare municipale à la hauteur et audacieuse. Oui, pour vouloir interpréter Funky Town avec des instruments de fanfare, il faut une audace dantonesque. Notons également que le scénario aurait pu être pire, surtout pour une œuvre totalement subventionnée… Un personnage masculin se déguisait en femme, mais – cela en devient maintenant politiquement incorrect  - le personnage principal charmé par les fées quitta son horrible fiancée très castafiorienne pour la timide secrétaire. Happy End.

    Ceci prouve qu’en 2014, on peut encore trouver des spectacles qui ne soient pas des œuvres de propagande et regardables par toute la famille. Bien sur, ce n’est pas Molière, ce n’est pas Shakespeare, ce n’est pas même pas Labiche, mais à l’aune du monde aujourd’hui, c’est mieux que tout ce qu’on peut voir. Comme dit le vieil adage : « Faute de grives, on mange des merles »… 


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